Gutenberg à Strasbourg : un jeu de piste

Gutenberg à Strasbourg

De la vie de Gutenberg en général, et de son séjour à Strasbourg entre 1434 et 1444, on sait très peu de choses. Johannes Gensfleisch, dit Johannes Gutenberg, naît vers 1400 dans une riche famille de Mayence. Son père est orfèvre et marchand d’étoffes. Comme les autres familles dirigeantes de la ville, la sienne doit s’exiler en 1429, suite à une révolte des corporations. On retrouve sa trace à Strasbourg en 1434.

Sans doute formé par son père aux techniques d’orfèvrerie (déterminantes pour la suite), Gutenberg est d’abord un homme d’affaires. Installé près de l’ancien monastère Saint-Arbogast, il se lance dans la fabrication d’enseignes de pèlerinages, pièces en métal gravé, qu’il entend vendre en nombre lors du grand pèlerinage d’Aix-la-Chapelle. On suppose qu’il a optimisé leur procédé de fabrication, sans qu’on sache comment, ce qui lui aurait servi pour sa presse d’imprimerie.

En bon homme d’affaires, il y travaille dans le plus grand secret. Certaines informations sont cependant éventées au cours du procès qui l’oppose en 1439 à ses associés, la famille Dritzehn. Des témoins laissent fuiter quelques indices, parlant de "nouvel art", d’une presse et de formes métalliques…

Les inventions de Gutenberg

Les indices concordent : c’est bien à Strasbourg que Gutenberg a développé les éléments nécessaires à son invention. Avec beaucoup d’ingéniosité, il a amélioré des techniques existantes et provenant d’univers différents.

• D’abord, les caractères mobiles, à partir des poinçons d’imprimerie. On peut les placer et déplacer sur une plaque, une pour chaque page du livre. Il développe également une technique de moulage et un alliage qui permettent une grande précision et résistance à la force de la presse.
• L’encre, ensuite. Gutenberg crée son propre mélange en utilisant de l’huile plutôt que de l’eau, ce qui lui évite de couler et de "traverser" la page.
• Enfin, le perfectionnement de la presse des viticulteurs. La mise au point est complexe, afin que le papier ne tourne pas sous la pression de la vis.

Tous ces éléments rassemblés permettent des impressions précises et en série. Mais las, c’est bien à Mayence, où il retourne quelques années plus tard, qu’il les réalisera. Sa Bible en latin, dite B42 (42 lignes par page), y sera publiée en 1454 à 180 exemplaires. Gutenberg meurt en 1468, sans avoir connu ni la fortune ni la gloire…

Pourquoi Strasbourg ?

Ce n’est pas un hasard si cette révolution s’est concoctée à Strasbourg. Au Moyen-Âge, la ville est un carrefour intellectuel et commercial entre l’Europe du Nord et du Sud. L’historien Georges Bischoff rappelle qu’elle est en lien direct avec la grande foire de Francfort et le concile de Bâle, qui débute en 1431 et réunit des intellectuels de toute l’Europe.

"Cela justifie la recherche de moyens de reproduire des écrits, précise-t-il dans le documentaire de Marc Jampolsky sur Gutenberg, d’autant plus que les premières papeteries sont créés dans la région dans les années 1430 et permettent de se passer du papier italien, très cher." 

Avant Gutenberg, la ville comptait déjà quelques imprimeurs, qui utilisaient la technique du tampon et n’imprimaient pas encore de livres.

L’imprimerie aux XV^e et XVI^e siècle