Rencontre avec Agnès Ledig, romancière strasbourgeoise

5 avril 2023
Agnès Ledig

Toujours attachée à Strasbourg, la ville où elle est née, où elle a suivi ses études de sage-femme et écrit deux de ses best-sellers, Agnès Ledig fait partie des autrices les plus lues et appréciées de France. Elle nous livre son parcours, son lien avec le livre et son rapport à notre ville.

Entretien

Quand vous est né le goût du livre ?

Comme pour la potion magique, je suis tombée dedans toute petite. Mes parents lisaient énormément, j’ai grandi avec l’objet livre. Enfant, ils me racontaient chaque soir, chapitre par chapitre, un roman, parfois complexe ! Mon père tenait aussi un journal. Si l’on souhaite que nos enfants lisent, il faut leur donner l’envie de lire. Les temps d’écran sont un vrai fléau pour la lecture. Je suis récemment intervenue dans un collège, et peu de collégiens avaient lu ne serait-ce qu’un livre durant leurs vacances. C’est effrayant ! Nous avons, adultes, un rôle à jouer pour limiter leur temps d’écran. Les amener à lire, ou à faire toute autre activité, nécessite qu’ils soient motivés ou qu’ils s’ennuient. Les enfants aujourd’hui ne s’ennuient plus avec les écrans. Il faut leur mettre à disposition des livres, en les offrant, en les invitant à les échanger avec des copains, en les inscrivant dans des médiathèques. Même dans notre petit village de 400 habitants dans les Vosges, la médiathèque est très bien fournie !

 

Vous avez travaillé dans l’agronomie, puis êtes devenue sage-femme. Comment exercer des métiers aussi différents ?

Mes débuts dans l’agronomie se sont faits un peu par hasard, je souhaitais travailler pour la protection de l’environnement, l’écologie me tenant particulièrement à cœur. Mais la formation ne me convenait pas. Un bilan de compétences m’a conseillé de devenir sage-femme. J’étais assez étonnée, mais finalement, j’ai réalisé que mon "verbe de vie", c’était "prendre soin". Et là, cela faisait sens. Plutôt que de parler de métier, les conseillers d’orientation devraient interroger les adolescents sur leur verbe de vie. On est tous animés par un ensemble de valeurs, de passions, qui souvent correspondent à un même verbe.

 

Qu’est-ce qui vous a amené à l’écriture ?

J’ai toujours écrit. Quand notre fils est décédé, j’ai eu besoin d’exprimer au monde entier ce dont nous avions besoin. Pas de compassion, mais de douceur, de réconfort, de silence, de joie. J’avais envie d’exprimer tout cela, mais sans parler de moi. Le roman est une bonne manière de le faire. Je suis arrivée quarantième au Prix Femme actuelle, mais cela ne suffisait pas. En 2011, j’ai sorti Marie d’en haut, sacré "Coup de cœur des lectrices". J’ai ressenti tellement de joie, c’était assez troublant, car inattendu. J’ai alors rencontré mon éditeur de chez Albin Michel. Il m’a proposé de retravailler Juste avant le bonheur, car il était encore trop sombre. Et nous avons fait des ventes stratosphériques ! Je n’ai quitté mon métier de sage-femme qu’en 2015, car sur la fin, mes droits d’auteur payaient mon cabinet !

 

Quels sont vos conseils pour ceux qui rêvent de publier un roman ?

Il faut commencer par ne pas rêver de devenir auteur, mais rêver d’écrire. Mon premier roman, je l’ai écrit pour sortir quelque chose du fond de moi. 

Vouloir être écrivain pour avoir du succès, c’est une mauvaise raison. Il faut écrire avec son cœur et voir ce que cela donne.

Agnès Ledig

Que vous inspire alors notre fil rouge "Lire notre monde" ?

Cyril Dion parle de changer le récit pour changer le monde. Dire qu’il faut avoir une rolex à 50 ans sinon on a raté sa vie, c’est tellement stupide ! Il faut déconstruire cela. Quand on fait un test auprès d’enfants, ils connaissent tous les logos des marques, mais sont incapables de reconnaître vingt essences d’arbres… Il faut reprendre contact avec le vivant. En tant qu’auteur, nous avons cette capacité à changer le récit. C’est ce que je fais depuis mon premier roman. Les auteurs ont cette responsabilité de mettre des loupes sur certains thèmes et de faire s’ouvrir les consciences sur les valeurs humaines fondamentales, à commencer par le respect. Le respect se décline en une foule de personnages.

 

Cela fait particulièrement sens avec votre dernier roman, Un abri de fortune, paru aux éditions Albin Michel en ce début d’année…

En effet, il se déroule dans une ferme rénovée dans les Vosges où se retrouvent mes personnages, trois écorchés qui ont eu une panne de secteur dans leur vie, pour se rebrancher au courant du monde. Rémi, qui a commis un geste irréparable, Clémence qui sort de l’hôpital après une enfance cabossée, Karine en burn-out à 45 ans… Au contact d’Adrien et Capucine, mes personnages principaux, mais aussi des animaux, du potager, ils vont retrouver un sens à leur existence, un chemin. Mes personnages sont souvent inspirés de personnes que je croise. J’ai au fond de moi des archives de tout ce que j’ai vu. Ils sont là pour servir le propos.

 

Agnes Ledig - Un abri de fortune

Ce dernier roman se déroule dans les Vosges où vous vivez désormais. Mais vous êtes originaire de Strasbourg et avez même écrit deux romans ici.

Quand j’écris, j’ai besoin d’être dans ma bulle. Et dans mon bureau au 5e étage, j’avais une belle vue sur les toits strasbourgeois où je laissais partir mon regard. Strasbourg m’a inspiré une scène de La toute petite reine, quand Capucine et Adrien se retrouvent sur le quai numéro 3 de la gare que je connais si bien. Dans Le Murmure des feuilles qui dansent, un personnage monte en haut de la cathédrale. Comme moi plus jeune et récemment avec ma fille ! J’aime donner des petites touches de Strasbourg dans mes écrits. Je vais quitter mon bureau, mais je reviendrai régulièrement, car j’y suis très attachée.

Le Top 3 d’Agnès Ledig

Le liseur du 6h27, Jean-Paul Didierlaurent

J’ai eu un vrai coup de cœur pour cet auteur vosgien décédé l’an dernier. Ce livre est un conte moderne qui montre l’importance que peut avoir la lecture pour sauver d’un sombre quotidien.

 

Le Grand méchant renard, Benjamin Renner

L’histoire de ce renard un peu looser remballé par les poules est extrêmement drôle.

 

The End, ZEP

Cette BD est particulièrement importante pour réveiller les consciences avec les problèmes climatiques que nous connaissons. 

Le liseur du 6h27, Jean-Paul Didierlaurent, Le Grand méchant renard, Benjamin Renner, The End, ZEP
Barbara Romero

Journaliste

Commenter l'article

* Champs obligatoires

Aucun commentaire pour le moment