Rencontre avec Élisa Géhin

11 novembre 2024

Diplômée de l’école Estienne et de la Haute Écoles des Arts du Rhin, Élisa Géhin est aussi à l’aise dans l’édition (Thierry Magnier, Les Fourmis Rouges, Gorge bleue, Éditions 2024) que dans la presse ou la communication (Les Chocolats français). Marraine de Strasbourg Capitale mondiale du livre, elle donne corps à sa fibre jeune public.

Élisa Géhin, marraine Lire notre monde

 

Qu’avez-vous pensé en recevant la proposition de devenir marraine de Lire notre monde ?

J’étais très surprise qu’on pense à moi car il y a tellement d’illustrateurs et d’illustratrices à Strasbourg… Je ne voulais surtout pas être une simple représentante de mon milieu aux événements officiels qui jalonnent cette année de Capitale mondiale du livre. Au fil des discussions avec l’équipe, étant sur place, de nombreux projets concrets se sont présentés à partir de mon univers lié à l’enfance. Je me réjouis qu’on fête le livre car c’est plutôt rare. La mobilisation est forte et ça donne du corps et du concret à notre travail. Je suis d’autant plus fière que ça se passe dans ma ville. Des mondes se rencontrent entre auteurs, autrices, médiathèques, périscolaires… donnant l’occasion d’imaginer des choses à inventer pour la suite. On sort de nos tanières, c’est important car cela rend les livres vivants.

Elisa Géhin. Créditphoto : Christophe Urbain

C’est vrai qu’on vous retrouve un peu partout, à commencer par le jury du concours Les bébés lisent notre monde

Je n’en suis qu’un membre d’honneur mais je trouve excellente cette initiative de faire plancher les équipes de professionnels et professionnelles de la petite enfance sur une solution de support de lecture pour les tout·es-petit·es. Ce concours sert de stimulation, de valorisation de leur travail et je pense que chacun·e va beaucoup s’y amuser dans une grande liberté. Ensuite, d’octobre à décembre, je serai en résidence dans la structure lauréate, en crèche ou en relai d’assistantes maternelles. Mon idée est de venir tester mes tampons, mon travail d’empreintes et d’impression avec le corps, auprès de ce public qui ne dessine pas encore vraiment.

Vous avez aussi participé au colloque Quand le livre rencontre les arts au cours duquel vous avez fait découvrir l’un de vos dispositifs artistique intitulé Ça ne tient pas debout !

 

Je l’ai créé à Mille Formes, centre d’initiation à l’art pour les 0-6 ans, situé à Clermont-Ferrand : une installation interactive à expérimenter pour les bébés et leurs parents, constituée de 40 personnages en morceaux, comme en kit, faits en mousse colorée et découpée. À partir de ce répertoire de formes à l’échelle 1, les parents et leurs bébés se mettent à quatre pattes pour jouer et se confondre avec les personnages, glissant ici leur tête, là leurs bras… Ça ne tient pas debout ! – qui vient aussi d’être publié par Les Fourmis Rouges – a été présenté en atelier lors du colloque, avant de partir en tournée dans deux crèches et trois médiathèques, pour finir le 21 juin au 5e lieu.

"On sort de nos tanières, cela rend les livres vivants."

Faut-il y voir un écho avec l’exposition Terrains de jeux, réalisée avec le collectif Les Rhubarbus (Violaine Leroy, Guillaume Chauchat, Joseph Kieffer, Anne Laval) au 5e Lieu ?

Oui, nous avons tous les cinq fait une proposition. La mienne est l’exact pendant de Ça ne tient pas debout ! : des formes en bois toutes petites que les plus grands doivent essayer de faire tenir en équilibre, ce que j’ai pris plaisir à rendre quasi impossible d’ailleurs. [rires]

 

En tant qu’autrice et illustratrice spécialisée dans la jeunesse, qu’avez-vous tenu à défendre lors du colloque ?

D’abord l’idée que les livres sont faits pour les petit·es. Il fallait l’appuyer car, même si cela paraît être une évidence, elle ne l’est pas pour tout le monde, même chez les professionnels et professionnelles de l’enfance. La modernité de mon travail permet de démystifier l’objet livre, rappeler ce qu’il peut contenir d’à la fois noble et démocratique. Certaines personnes ne savent pas quoi en faire avec des enfants très jeunes, elles sont impressionnées. Or, il permet d’avoir des ressources nouvelles pour gérer les petit·es, introduire une activité. Il faut faire autant confiance aux auteurs et autrices qu’à soi, et aux plus jeunes !

 

Lire notre monde vous a aussi passé une commande artistique. En quoi consiste-t-elle ?

L’idée est de produire un objet artistique à l’issue de ma résidence, à destination des enfants et de leurs parents. Je ne sais pas du tout la forme qu’il prendra, j’ai envie de profiter du temps auprès des professionnels et professionnelles de la petite enfance pour être dans l’échange et voir ce qui en ressort. Je sors de ma zone de confort en m’attaquant pour la première fois aux moins de 3 ans. Et puis ce ne serait pas drôle si je savais déjà quoi faire ! Je compte bien profiter de la confiance qu’on m’accorde et des choses qu’on me laisse expérimenter pour nourrir ma créativité. 

 

Plusieurs de vos titres vont aussi être offerts aux bibliothèques et enfants…

C’est génial car souvent, cet aspect-là est oublié. Or, pour nous illustrateurs et illustratrices, rien ne nous rend plus fières que de voir nos livres dans les mains des gens. Le Grand livre de cuisine des enfants (Éditions Thierry Magnier) est offert aux bénéficiaires de l’Ordonnance verte, mon abécédaire AbabaBC (Éditions 2024) et Ça ne tient pas debout ! iront à des bibliothèques ou crèches, et mon imagier Dans le détail (Les Fourmis Rouges) sera offert aux primo-arrivants.

Claudine Jean

Journaliste

"La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent."