Qui n’a pas croisé au cours de ses pérégrinations au détour d’une rue, d’un parc, dans une gare, un bistrot, sur une place ou une plage, au bord d’un chemin, dans les allées d’un centre commercial, dans une association ou un centre social, une de ces modestes étagères, parfois déguisées en grande maison à oiseaux, en cabine téléphonique reconvertie ou en simple cabane de planches ?
La plus ancienne boîte à livres en entreprise de Strasbourg : le Bücheschrank d’Arte.
Robuste, étanche, toujours ouverte, sans procédure administrative, la boîte aux livres offre toute l’année son rayon de livres à garnir ou à dégarnir selon les envies.
Le livre qu’on y pose et à qui on souhaite bon vent et plein de lectrices et de lecteurs successifs (parce que vous-mêmes, vous l’aviez déjà cueilli au passage quelque part), le livre qu’on y prend (parce que vraiment, celui-là, on ne l’aurait jamais acheté, mais pourquoi pas ?) sont autant de petits plaisirs gratuits qu’on peut s’offrir sans l’avoir prévu.
Les boîtes à livres, c’est comme les marchés aux puces et les vide-greniers : on se promet de ne rien prendre (parce que c’est déjà plein à la maison) et on revient systématiquement… les bras chargés d’ouvrages improbables ou décalés qu’on n’aurait jamais pensé à se procurer, mais qui vous attendaient là, aujourd’hui, sous la pluie ou dans le bruit, dans le silence ou la cohue.
Et s’il est un lieu où la boîte à livres prend tout son sens, c'est bien l’endroit du monde où nous passons le plus clair de notre journée : l’entreprise.
À ce titre, je crois que j’ai découvert l’entreprise qui possède une des plus anciennes boîtes à livres du coin, c’est le Bücheschrank d’Arte !
La bibliothèque d'entreprise : un pilier de la qualité de vie au travail
En matière de qualité de vie au travail, la bibliothèque collaborative d’entreprise est un vrai élixir.
Ses avantages sont nombreux et permettent à peu de frais de favoriser la création de liens informels entre les collaborateurs et collaboratrices avec une activité culturelle qui permet des échanges, de nourrir la culture d’entreprise et d’éviter le gaspillage de livres avec une démarche éco-responsable qui enrichit la politique RSE (Risques sociaux et environnementaux).
C’est dans cette perspective que les premières discussions sur la mise en place de la fameuse bibliothèque ont eu lieu à Arte au début des années 2010.
Une journée de réflexion organisée par la direction avec une spécialiste de la communication en entreprise a proposé plusieurs ateliers pour brasser des idées sur les moyens d’améliorer les conditions de travail et la vie quotidienne dans l’entreprise. De ces ateliers sont sortis, entre autres, deux projets : un Stammtisch à la cantine pour favoriser les échanges et le fameux Bücheschrank. Si le premier projet a fait long feu, la bibliothèque participative, elle, est toujours là près de 15 ans plus tard.
Simple étagère en bois grise, elle trône à l’entrée de la cantine, dans un lieu passant, mais aussi un coin discret qui permet de fouiller ou de regarnir en toute tranquillité.
C’est ainsi que le Bücheschrank accueille fidèlement depuis plus d’une décennie tout ce que les employé·es d’Arte ont comme livres, mais aussi CD, DVD, magazines, livres pour enfants, dictionnaires, etc. .., le tout bilingue bien sûr puisque les personnels d’Arte à Strasbourg sont français·es et allemand·es. De nouvelles langues se sont jointes depuis le développement européen d’Arte.
"Ici, vous pouvez donner, emporter ou échanger des livres. Pas la peine de donner pour emporter".
Devise du Bücheschrank d'Arte
Alors, quoi dans ce joyeux foutoir ?
Si la bibliothèque donne parfois l’impression qu’on y met tout ou n’importe quoi, il ne faut pas s’y tromper. C’est parce que la durée de vie moyenne des nouveaux livres dans la bibliothèque est d’environ 1/4 d’heure. Dès que quelqu’un remplit les rayons avec quelques ouvrages intéressants, c’est la ruée et les livres passent dans d’autres mains très vite, parfois par piles entières (dommage, vous n’êtes pas descendu prendre un café à ce moment-là).
Oui certains ouvrages peinent à trouver acquéreur (comme cet annuaire de 1995 des producteurs de films allemands qui a pris la poussière pendant des années où ces manuels d’informatique des années 90 qui se retrouvent bien seuls aujourd’hui) ou attendent simplement le coup de cœur (j’ai chez moi Die Lebensbeichte des François Villon, parce qu’il comporte les textes en vieux français en parallèle).
Alors de temps à autre, les services généraux passent et font le ménage en débarrassant la vieille carcasse de quelques scories qui n’ont, hélas plus aucune chance d’être lues ou relues.
Lecture à emporter : des initiatives pour partager la lecture
Ainsi va la vie de la plus ancienne, la plus efficace et la moins chère manière de partager ce que nous aimons tous et toutes : la boîte à livres et ses innombrables lectures à la clé d’une étagère sans porte et sans cadenas.
Microbibliothèque, abri-livres, boîte à livres, boîte à lire, croque-livres, bibliothèque participative, bibliothèque de rue, dépose de livres, bookbox, bookcase : les noms ne manquent pas pour désigner la précieuse étagère collective. Mais c’est sous le vocable « Lecture à emporter » que le projet éponyme va tenter d’emporter nos suffrages cette année à Strasbourg.
Dans le cadre de l’événément Lire notre Monde, une opération de livres partagés voit en effet le jour et encourage tous les « passeurs de lecture » à emporter et déposer sans contrainte administrative des ouvrages à lire chez soi, seul ou en famille. L’association Savoirs pour réussir Grand Est, le Club des Entreprises s’engagent du Bas-Rhin, la Maison de l’Emploi de Strasbourg, l’Agence Nationale de Lutte Contre l’Illettrisme et Strasbourg Eurométropole, s’engagent ensemble pour soutenir les initiatives d’accès à la lecture dans les entreprises comme des créations de boîtes à livres.
Ces espaces de lecture à échanger permettent aussi des animations aussi variées que des mini ateliers d’écriture, des concours de création de mini-livres avec des sujets en lien avec l’entreprise, des jeux Livres croisés où l’on peut parler d'un ouvrage, du caviarolage qui propose la réécriture ludique d’une page ou des lectures à voix haute d'extraits de livres.
Autant de motifs pour les entreprises volontaires de se surpasser et de concourir pour le label “Lecture à emporter”.
Douze entreprises pionnières se sont déjà portées candidates pour participer à la phase d’expérimentation : Groupe Schroll, AFPA, Réa Habitat, Auchan Illkirch, Up Intérim, Sauber Est, ATE, Kaleidoscoop, Epide, les Diaconesses, RH Multiservices, Alemploi et différents services de la Ville de Strasbourg : la direction mobilité, les espaces publics et naturels, les archives, la collecte et valorisation des déchets, la police municipale, la direction des ressources logistiques et la direction développement économique et attractivité.
Lisons, partageons.